Extraits du Portefeuille des Dames
La guerre bactériologique
Nouvelles de l'intérieur Des lettres de Vienne annoncent que Sidney Smith prépare dans ce moment-ci à Constantinople des embarquements de pestiférés qu'il se propose de diriger en Italie, et sur-tout dans quelques parties de l'ex-royaume de Naples, afin de se défaire, par les ravages de la peste, des Français et des Italiens attachés au gouvernement républicain. Non-seulement il envoie des hommes affectés de cette maladie, mais il a pris encore l'horrible précaution de transporter avec eux des effets qui ont été à l'usage de quelques personnes mortes de la peste, afin d'inoculer cette affreuse maladie dans les beaux pays d'Italie, et se procurer l'atroce plaisir de lui voir faire les mêmes ravages dans les contrées qui avoisinent le sol habité par les Français… . On refuserait de croire à cette nouvelle horreur, si on l'attribuait à un autre qu'à Sidney Smith.
Portefeuille des Dames, n° 1, du 10 Germinal an 7, p. 3 du suppl.
Commentaire : Les anglais n'ont rien inventé : Apollon s'était déjà servi de ce procédé contre les Achéens (les Grecs), au premier chapitre de l'Iliade.
Extraits des Affiches du Poitou
Le pot de terre (bas de laine ?)
Avis divers
On écrivoit il y a quelques jours de Bressuire, qu'un locataire venoit de trouver dans un mur de la maison qu'il occupe, & que le mauvais temps a fait écrouler, un pot de terre rempli d'ancienne pièces d'or & d'argent. Ce trésor a été mis en dépôt entre les mains d'un homme notable, en attendant que l'on ait décidé à qui il doit apartenir, s'il doit être partagé, & s'il ne seroit pas juste que le locataire en eût une portion.
ADP - n° 11 du 17/03/1774, p. 48
Le somnambule
EVENEMENS Les Somnambules, tout extraordinaires qu'il soient, sont dans l'ordre de la nature ; les exemples en sont communs ; un Particulier de Châtellerault vient d'en donner le spectacle ; rêvant la nuit qu'il se noyoit, il s'est levé d'auprès de sa femme sans qu'elle s'en soit aperçue, est sorti de sa maison, & a couru les rues, en chemise, pieds nuds, & criant avec force, « à l'eau, à l'eau » ; plusieurs persones éveillées par ce cri, dont elles ignoroient l'objet, on suivi la voix & enfin ont atteint cet homme qu'elles ont reconnu endormi & qu'elles ont ramené chez lui, après avoir pris des précautions pour le réveiller ; lorsqu'on l'a saisi, il faisoit avec ses bras les mouvements d'un homme qui nage, & criant toujours « à l'eau ». Il s'est trouvé très honteux de se voir ainsi au milieu de tant de monde ; cette aventure singuliere a fait le lendemain l'objet des conversations de toute la ville.
Peu de jours après, c'est-à-dire, le Lundi gras, un Garçon Tanneur, de la même ville, a offert en plein jour & en réalité, le contraste de cette aventure. Il s'est fait un habillement de chanvre en poil ; & a parcouru les rues dans cet espèce de mascarade ; il est allé boire dans un cabaret ; là par accident, ou par la méchanceté ou l'imprudence de quelqu'un, le feu s'est mis à son vêtemens ; dans la frayeur qu'il a causé aux assistans, on a jeté sur son corps tous les liquides qui se sont trouvés sous la main, jusqu'à du vin & de l'eau chaude. Ce malheureux a été brûlé, échaudé. On mandoit le 2 mars qu'on croyoit qu'il auroit peine a en revenir ; cet accident qui doit servir de leçon fait frémir.
ADP - n° 11 du 16/03/1775, p. 47
Le ressuscité
Lettre de M. d'Aviau-de-Piolant, Lieutenant des Maréchaux de France à Thouars.
Le nommé Urbain Poitiers, habitant de mon village de Sanzay, négligeoit depuis plus d'un an de remédier à des plaies qui lui étoient venues aux jambes, & qui dans le principe n'étoient que des furoncles formant ulceres & suppurant abondament ; souvent la suppuration étoit interrompue par l'application d'une infinité de remedes dont ce misérable faisoit imprudemment usage à tort & à travers, par le conseil des uns & des autres. Alors, jusques à ce que les humeurs recomençassent à fluer, il éprouvoit des symptômes de maladies éfrayantes. Enfin la semaine derniere on vint m'avertir qu'il étoit à la derniere extrémité ; j'y courus, je trouvai le Prêtre qui sortoit d'auprès de lui, qui me dit qu'il avoit eu peine à lui administrer les secours de son Ministere, & qu'il ne croyoit pas qu'il en eût pour un quart d'heure. J'approche du malade, je le crus mort ; il étoit sans connoissance, ses ieux étoient fixes & hagards, son poulx étoit rentré & presque insensible ; on entendoit au fond de sa poitrine un siflement qui indiquoit la plus grande oppression. Surpris de cette révolution subite, car il n'y avoit que deux jours que j'avois su cet homme travailler à la terre, j'interroge sa femme, qui me répond que depuis huit jours les plaies des jambes s'étoient fermées, que le malade se croyoit radicalement guéri lorsqu'il survint une enflure considérable à un bras, qui y étant demeurée fixée seulement vingt-quatre heures avoit disparu subitement, & qu'aussitôt l'humeur étoit remontée à la poitrine ; que voyant son mari dans un aussi grand danger, elle avoit appelé à la fois le Prêtre & le Chirurgien de la paroisse ; que ce Chirurgien étant absent, elle s'étoit adressée à un paysan octogénaire, nommé Paul Bloteau, exerçant aussi la Chirurgie, avec la réputation, cependant, même parmi le peuple, d'être le plus ignorant des hommes ; que Bloteau avoit fait prendre, il y avoit environ un quart d'heure, un vomitif à son mari, en l'assurant que son mal n'étoit rien. Je trouvai le raisonement & sur-tout le remede si étrange, que je m'écriait `à l'assassin', ne doutant pas qu'un pareil traitement ne fût la cause physique de l'état désespéré où le malade se trouvoit réduit en aussi peu de temps. Cependant Bloteau qui étoit dans la maison parut, & me répéta qu'il étoit sûr de l'efficacité de son remede, qu'il me dit être l'emétique, par le moyen duquel cette humeur remontée alloit s'évacuer par le haut ou par le bas ; que bientôt je verrois notre agonisant rendu à la vie, & que s'il avoit tardé d'un instant, c'étoit un homme mort. N'en voulant pas entendre davantage, je me retirai en gémissant sur le sort de ce malheureux. Mais qu'elle fut ma surprise, lorsque sa femme vint me trouver quatre heures après & me dire que son mari étoit hors d'afaire ; que le remede avoit parfaitement répondu aux promesses de Bloteau ; qu'il étoit incroyable combien son mari avoit évacué d'ordures par les vomissements ; que dans ce moment même il demandoit à manger, & qu'il se proposoit de venir sous peu de jours reprendre son travail chez moi : ce qui est effectivement arivé. Cet homme, âgé de 32 ans, est entièrement guéri ; ses maux de jambes ont disparu, sa santé est meilleure que jamais : telement que ses jambes & son corp sont assez sains maintenant pour lui permettre d'aller par-tout attester lui-même la vérité des faits que je viens de vous rendre compte. Cette observation m'a paru singulière ; c'est à vous, M., à juger si elle est assez intéressante pour mériter d'être isdérée dans vos Feuilles. (Au Château du Bois-de Sanzay, près Thouars, 21 Fevrier 1776)
ADP - n° 12 du 21/03/1776, p. 45
Mine de charbon à Antigné
Lettre de M. Delavau, Lieutenant Particulier à la Châtaigneraye.
Je vous serai obligé, M., d'annoncer dans vos Affiches que j'ai découvert une mine de Charbon de terre, dans un demaine à moi apartenant, appelé Puyrimon, en la paroisse d'Antigné, à 100 pas de Vouvant, 2 lieues de la Chataigneraye, 2 de Fontenay-le Comte, pareille distance du Port du Grôs Noyer où la riviere est navigable jusqu'à la mer ; à 6 lieues de Nyort, 2 de Luçon, 3 & demi de Ste Hermine, 7 de Partenay. Ce charbon est de bonne qualité ; il y en a de l'espece qu'on appele vulgairement `Fournelage', dont les Chaufourniers se servent pour faire la chaux. … (4 Mars 1776)
ADP - n° 12 du 21/03/1776, p. 46
Les noces de Pouzioux
3e Lettre de M. Dupuy, Etudiant en Droit à Poitiers, à M. Jouyneau Desloges.
Résumé :
Aux noces du fils Abonneau et de la fille de son voisin Rideau, à Pouziou, les mariés ont convoqué tous les pauvres de la contrée, et leur ont distribué du pain.
ADP - n° 12 du 20/03/1777, p. 45
Commentaire : Notre étudiant, invité à la noce, n'avait peut-être pas les idées très claires, le lendemain, quand il a rédigé sa lettre : Les actes de Pouzioux, début 1777, mentionnent trois mariages le 28 janvier, et un le 4 février, mais aucun des jeunes mariés ne se nomme « Abonneau ». Seul le nom de « Nedeau » que je peux lire peut plus ou moins être rapproché de « Rideau ». J'espère qu'un de vous reconnaîtra ses généreux ancêtres !
Le Carnaval
Lettre écrite de N…
Le Carnaval a été très-brillant & très-joyeux dans notre ville ; il y a eu sur-tout une Fête remarquable donnée par 25 jeunes gens qui se sont réunis pour en faire la dépense. La description de cette Fête poura amuser vous Lecteurs ; ils vont se croire transportés dans les temps de notre anciene Chevalerier, où l'image de la Guerre se trouvoit réunie aux jeux de la galanterie noble. Ce sujet pouroit fournir des reflexions agréables & peut-être utiles. Je m'en abstiens pour passer tout de suite au détail que je vous promets ; je ne dis rien du raps & de tout ce qui y a raport ; tout fut à cet égard aussi abondant, que bien ordoné. Au milieu des danses qui y succéderent, survint une troupe de masques, au nombre de dix, armés comme les anciens Chevaliers, de Lances, Boucliers, &c. Leur Chef déclara au nom de tous qu'ils étoient prêts de soutenir contre quiconque se présenteroit, que la Princesse Aimée (c'étoit une Demoiselle de l'assemblée) l'emportoit en beauté sur toute autre Princesse ; dans ce même moment se présente un autre Chevalier, qui après avoir fait le tour de la salle, dit qu'il étoit prêt de soutenir contre tous que la Princesse Amélie étoit plus belle que la Princesse Aimée. On ignore quelle est la Demoiselle que ce Chevalier avoit pris pour sa Dame. Comme on étoit sur le point d'en venir aux mains, parut un Géant, lequel annonca d'une voix formidable qu'il alloit les réduire tous en poussiere ; six des premiers Chevaliers se batirent contre lui ; il les terrassa tous les uns après les autres ; alors le Chevalier de la Princesse Amélie, déclara qu'il convenoit que la Princesse Aimée, étoit la plus belle, & demanda la permission de combatre à son tour le Géant. Il y eut un nouveau combat, qui parut fort vif ; le Géant fut vaincu, le Chevalier le désarma, & porta ses armes aux pieds de la Princesse Aimée ; qui courona le vainqueur.
Affiches du Poitou, n° 11, du 17 mars 1774, page 46
Commentaire : Pas très fidèle, le Chevalier servant !