Le vieux tombeau

On vient de faire à Targé une découverte qui peut exciter l'attention des curieux. Le 11 de ce mois, en creusant dans le cimetiere pour faire une fosse, le fossoyeur crût reconnoitre que le terrain n'étoit pas solide : ce qui l'engagea de sonder à quelque profondeur ; il trouva, à 6 pieds, des pierres de taille qui couvroient un tombeau ; il se fit aider pour les lever ; on trouva dans ce tombeau, un squelette, auprès duquel étoit une lampe sépulcrale, d'argile, que l'on a retirée entiere, des lames de fer rouillé & même pouri, & sur une des plus grandes pierres du tombeau, à l'extrémité supérieure, une inscription qui paroît être en caracteres gothiques & que l'on a pu lire, ce qui est fâcheux. Ce tombeau très-pesant a été laissé où il est ; on devroit l'en retirer ; toutes ces indications annoncent qu'il est là depuis plusieurs siecles ; sa forme est ancienne. Il est à remarquer que cet emplacement n'est cimetiere que depuis 1686 ; avant ce temps c'étoit une vigne apartenante à la Cure, à qui M. le Comte de Vihers, alors Seigneur de Targé, donna une piece de terre, pour changer l'emplacement du cimetiere qui l'incommodoit. Certainement ce tombeau étoit dans ce terrain, avant qu'il fût converti en cimetiere… Vous devriez, M., engager MM. de G., qui reçoivent vos Feuilles Hebdomadaires, à vous adresser quelques éclaircissemens sur des vestiges de retranchemens qui sont peu éloignés de le Château de la Tour d'Oiré, & que l'on appele les Fossés-Goués ; ainsi que sur la masure nommée le Vieux-Poitiers, située à quelque distance du Clain, dans la paroisse de Cenon, sur laquelle tant d'Auteurs ont écrit avec tant de diversité. Si ces Messieurs ne peuvent rien vous dire de satisfaisant sur ces deux objets, il est inutile que vous vous adressiez à d'autres …
ADP - n° 13, du 31 mars 1774, p. 55.

 

Fécondité

On écrit de Saint-Maixant qu'une femme de la paroisse de Clavé, près ladite ville, a eu en trois couches de suite, huit enfants dans l'espace de ving-cinq mois, La premiere couche a été de deux ; la seconde de quatre, qui tous ont été portés à l'Eglise & baptisés avec parrains & marraines ; & la troisieme de deux.
Affiches du Poitou, n° 12, du 25 mars 1773, page 48

Le pigeon à deux têtes

On écrit de Charroux le 16 de ce mois, un fait bien singulier ; de deux œufs de pigeonne, couvé, l'un est venu à bien ; l'autre à trois jours delà, n'ayant rien produit, a été jeté comme mauvais. Quelqu'un par hasard y a fait attention ; on y a trouvé un pigeon tour formé, prêt à éclore, ayant deux têtes égales sur un seul col. On le conserve dans de l'eau de-vie. Ce fait attesté par plusieurs personnes de considération, est d'autant plus remarquable que l'on s'est souvenu que la même pigeonnne qui a fait plusieurs autres couvées, n'a jamais fait qu'un pigeon à chacune, & que l'on a chaque fois rejetté, comme mauvais, l'œuf qui tardoit à s'ouvrir.
Affiches du Poitou, n° 12, du 25 mars 1773, page 48

Sur Civray

Mémoire sur la Ville de Civray & son Territoire.
Civray est la Capitale d'un Comté. On juge par la facade de l'Eglise & les restes du Château, que cette ville est très-ancienne. On y compte environ 300 feux, y compris les Faux-bourgs. Le menu peuple y est très pauvre ; 150 habitants, au moins, sont à la charge des autres. La Sénéchaussée de Civray est très étendue ; elle est composée de quatre Prévôtés Royales, Aunay, Chizé, Melle & Usson ; d'un Marquisat, de deux Baronniez, de quatre Châtellenies, de trente-huit Justices Seigneuriales, & de cent trente Paroisses. (On remarque dans ce Siege, un fait peut-être unique. La Charge de Lieutenant Général est remplie par M. Fradin, le huitieme de son nom, de pere en fils, dans la même charge. Cette famille jouit à juste titre du respect & de l'estime de ses Concitoyens & dans tout le Ressort. M. Fradin de Bellabre, Pere du Titulaire actuel & son Prédécesseur immédiat, est passé de cette Charge à l'Office de Conseiller au Conseil Supérieur de Poitiers. Il ne nous falloit pas moins que M. son fils pour nous consoler de sa perte.) Le Sol des environs de Civray est passablement bon, du moins au midi, au couchant & au nord. Ce sont des plaines où il croit différentes productions. Au levant, le terroir n'est presque couvert que de bruyeres. Il ne produit qu'un maigre pâturage ; quelque peu de seigle & d'avoine. Les Colons n'osent pas remuer cette terre, dans la crainte de ne pas retirer le fruit de leurs travaux. Les propriétaires eux-mêmes n'osent pas trop les y engager, par la dépense excessive qu'ils seroient obligés de faire. Il faudroit un peu plus d'aisance, & des encouragements. D'ailleurs les bras nous manquent ; la campagne est peu peuplée dans cette partie ; quelques métairies même sont désertes. Le pays est assez boisé ; mais il cessera bientôt de l'être ; tout le monde détruit, personne ne plante. Cette méthode, trop commune par-tout, nous fait craindre une disette prochaine ; la cherté l'annonce déjà. On recueille assez généralement toutes sortes de fruits & de grains, à l'exception du bled noir ou Sarrasin. Mais on cultive beaucoup le bled d'Espagne, ou mays, qui le remplace en partie pour les besoins du peuple, & pour les volailles. Quelques personnes prétendent pourtant qu'il vaudroit mieux cultiver le Sarrasin, parce que le mays faisant beaucoup de racines, consomme tout l'engrais & épuise les sels de la terre, de sorte qu'il faut tous les ans la même peine & la même dépense pour la féconder.

Affiches du Poitou, n° 13, du 1 avril 1773, page 51

Résurrection provoquée

2e Lettre de M. Jouineau Desloges, à M. Pineau, Médecin, à Champdeniers, près Niort.
Je vous ai promis, M., de vous adresser dans mes Feuilles, toutes les observations qui parviendroient à ma connoissance, tendantes à prouver la nécessité du Règlement général que vous sollicitez dans votre excellent Mémoire sur le danger des Inhumations précipitées, auquel tous les cœurs sensibles, tous les bons Citoyens ont applaudi, & pour la publicité duquel vous avez montré une générosité bien estimable. Je viens de retrouver la note d'un événement célebre de cette espece, qui doit d'autant mieux être ajoutée à celles que vous avez recueillies, qu'il apartient aussi au Poitou. Cet événement est arivé dans une famille illlustre & anciene de cette Province, qui existe encore, alliée à une des premieres Maisons du royaume, à laquelle le Poitou a droit de prendre aussi le plus tendre intérêt. Il est raporté par M. Dreux du Radier, dans sa Bibliotheque Historique & critique du Poitou, imprimée en 1754, tome 4, pag. 169. On y lit dans une note que Renée Taveau, Dame de Llussac, de Verrieres, fille unique & héritiere de Leon de Taveau, qui avoit été acordée en mariage, le 16 Novembre 1509, à François de Rochechouart, Seigneur de Mortemart, Tonnay-Charente, Vivône, &c., ayant été crue morte dans une léthargie, fut inhumée, & sortit du tombeau, parce qu'un de ses domestiques alla la nuit dans le tombeau où elle reposoit pour lui tirer un anneau précieux du doigt. Les éforts qu'il fit pour en venir à bout, rendirent le sentiment & la vie à cette Dame, qui eut depuis plusieurs enfans, & qui est la souche maternele de la branche aînée de Rochechouart, à laquelle elle porta la Baronie de Mortemart & les autres biens de la Maison dont elle étoit héritiere.
Vous remarquerez sans doute, M., que cet événement ressemble dans toutes ses circonstances, à celui de la femme d'un Orfevre de Poitiers, nommée Mervache, raporté par Misson, dans son Nouveau Voyage d'Italie, tom. 1, cité ensuite dans les Additions de M. Bruhier, à la traduction qu'il a faite de la Dissertation de M. Winflow sur l'incertitude des Signes de la Mort, & qui est le sujet de la premiere observation de votre Mémoire. Cette ressemblance pouroit faire croire que c'est un même événement attribué à deux personnes & arivé seulement à une. Mais le dernier est attesté par une tradition trop constante, trop unanime dans cette Ville, pour qu'on puisse le révoquer en doute. Le premier est encore confirmé dans un Mémoire Généalogique manuscrit & très-authentique d'une ancienne Maison du Poitou, dont je possede une copie, où on en lit la note ainsi raportée, « Renée de Taveau, fille du Seigneur de Lussac & de Jeanne Frotier Preuilly-de-la-Messeliere, épousa en 1528 René de Rochechouart-Mortemard. Elle tomba en Pâmoison, fut mise dans le caveau, étant crue morte. Une bague, que voulu ravoir un de ses domestiques, lui donna occasion de la sauver, l'ayant trouvée vivante. Elle a eu après cette avanture postérité, dont vienent MM. de Mortemart.
Je remarquerai, en passant, que M. Dreux du Radier dit que Renée Taveau se maria en 1509, avec François de Rochechouart, & que le Mémoire manuscrit que j'ai, dit que ce fut, en 1528, avec René.
Voilà, M., deux événements bien remarquables & peut-être uniques. Ils suffiroient pour faire désirer & pour espérer d'obtenir le Règlement que vous sollicitez. Vous êtes sans doute déjà instruit que le Grand Duc de Toscane vient d'en rendre un, etabli sur les mêmes raisons que vous avez présentées d'une maniere si touchante dans votre Mémoire. Cette nouvele a dû vous faire plaisir.
Affiches du Poitou, n° 14, du 3 avril 1777, page 53