Voici le rôle et les obligations d'un sacristain à Brigueil-le-Chantre tels que définit en 1769.
Il s'agit d'un contrat notarié que rapporte Mgr Barbier de Montault et relaté dans "Les Archives religieuses du pays poitevin" en 1902.
1ère partie - 2ème partie
Aujourd'huy vingt deuxième jour du mois d'octobre mil sept cent soixante et neuf, à l'issue de la messe paroissialle du bourg et paroisse de Brigeuil le Chantre, célébré par Messire Gaspard Mathieu de La Gorce, prestre curé de laditte paroisse et y demeurant ; lequel, conjointement avec Maistre Louis Maurat (1), sieur des Brosse (2), syndic fabricien de la ditte église de Brigeuil le Chantre, au dit nom, nous auroient requis de nous transporter le mesme jour sur la place qui est devant la principale porte de l'église de Brigeuil, aux fins de dresser procès-verbal et passer acte en forme de la nomination d'un sacristin élu et choisi par tous les habitans de la ditte paroisse et agréé par ledit sieur curé,
ainsi que du syndic fabricien de la ditte église (et à) l'instant nous deux, nottaires royeaux soussignés, establis en la sénéchaussée de Montmorillon pour le roy nostre sire, nous sommes exprès transporté sur la place qui est devant l'église paroissialle dudit bourg et paroisse de Brigeuil le Chantre, où estant et ayant trouvé ledit sieur curé avec le syndic fabricien et tous les habittans assemblés exprès au son de la cloche exprès sonnée de voilée pour faire laditte assemblée sur le choix d'un sacristin à nommer ; lesquels, après avoir mûremant réfléchi et délibéré entre eux, ont nommé et nomment pour sacristin de laditte paroisse de Brigeuil le Chantre la personne de Louis Dumas, ycy présant, stipullant et acceptant, lequel, de son bon gré et libre vollontté, a accepté et accepte par les présantes la charge de sacristin de laditte paroisse de Brigeuil le Chantre, aux charges, clauses et conditions qui sont cy-après annoncés au présant acte, pour par luy percevoir des habitans de laditte paroisse de Brigeuil le Chantre les rétributions et émolumants se réduisant à la somme de cinq sols par an chaque feu, un boisseau de bled-seigle pour chaque mettayrie à quatre boeufs et un demy boisseau par chaque particulliers de qui l'héritage est de deux boeufs ou de deux vaches, sont, ainsi que l'usage se pratique dans les paroisses circonvoisines, où il n'y a pas de fond attaché pour le sacristin et l'oblige ledit Dumas, comme il s'oblige par les présantes, de remplir exactement touttes les fonctions de sa charge, qui sont :
« Premièrement, d'estre exact tous les matins d'ouvrir la porte de l'église, de sonner YAngélus à l'aurore, de sonner YAngélus tous les soirs à une demy heure devant la nuit, de fermer la porte de l'église et d'emporter les clefs chez luy, sans pouvoir les confier à qui que se soit, ny sous quelque prétexte que se puisse estre, sans la permission de Monsieur le curé ou du sindic fabricien.
« Secondement, touttes les veilles de festes ou dimanches, il balleyera la sacristie et le sanctuaire et le grand authel, aura soin de bien aroser de peur que la poussière ne gaste la pinture du retable ny les ornemans.
« Troisièmement, touttes les veilles.des troisièmes dimanches du mois, il balleyera l'église en entier et l'arantellera (3) dans les endroits qui en ont le plus besoin.
« Quatrièmement, ilaurasoin de ne pas laisser manquer d'eau bennitte dans l'église et il mettera tous les mois une nappe blanche sur le grand authel, avec un lavabeau (4).
«Cinquièmement, touttes les quatre festes annuelles, il aura soin d'arenteller le corps de l'église en entier avec de grandes eschelles, au bout desquelles il mettera de mauvais linges pour empescher qu'elles ne gastent le crépis des murs ou de pinture du retable ; il netoyera le clocher et le degré pour y monter et jettera les émoudisces dehors.
De la sonnerie
«Premièrement. Touttes les veilles de dimanches et festes, il sonnera de voilée les quatres cloches, d'après qu'il aura sonnée l'Angélus.
«Secondement. Tous les dimanches et festes, il sonnera à l'aurore les coups de YAngélus et ensuitte les quatre cloches de voilée, laquelle sonnerie annoncera le premier coup de la messe paroissialle.
« Troisièmement. Lorsqu'il sera averti qu'il y a deux messes dans la paroisse, il sonnera de voilée les quatre cloches, une demy heure après l'Angélus, laquelle sonnerie annoncera au peuple le second coup de la messe paroissialle et lorsqu'il n'y aura qu'une messe, il ne sonnera le second coup qu'à huit heures.
«Quatrièmement. Lorsqu'il y aura deux messes, il sonnera le dernier coup à l'heure que le prestre voudra dire la messe, qui sera pour le plus tard à huit heures pour la première messe et à dix heures pour la dernière. A la fin de la sonnerie, il clochera (5), et deux principalles cloches pour annoncer au peuple que la messe va commencer.
« Cinquièmement. Une heure après la dernière messe, il sonnera de voilée les quatres cloches, laquelle sonnerie sera le signial du premier coup de vespres.
« Sixièmement. En esté, il sonnera le dernier coup à-trois heures et, en hiver, il sonnera à deux heures (6) ; à la fin de laquelle sonnerie il clochera les deux principalles cloches, qui sera le eignial que vespres vont commencer.
«Septièmement. Un quart d'heure avant la nuit, tous les dimanches et festes, après les coups de l'Angélus, il sonnera de voilée les quatre cloches pour annoncer l'expiration de la feste du dimanche (7).
De là sonnerie des festes annuelles
« Premièrement. A touttes les veilles des quatre festes annuelles, de saintHilaire, de l'Assomption delà sainte Vierge, de la communion des enfants (8), de mesme que les jours de ces festes, il carillonnera soit au premier coup de vespres qu'au premier coup de la messe et pendant la procession.
« Secondement. Lorsqu'il sera averti que quelqu'uns du bourg ou de la paroisse est mort, il annoncera ses funérailles par la principalle cloche qu'il sonnera de voilée et cependant un demy quart d'heure pourvu que ce soit un communiant ou bien la principale des deux petites cloches, si ce et (est) un non communiant (9).
« Troisièmement. Il sonnera de mesme pour l'entrée des corps dans l'église et pour la sortie.
« Quatrièmement. Quand il sera averti que quelqu'uns des messieurs ou dames (10) du bourg ou de la paroisse sont décèdes, il annoncera leurs funérailles par la sonnerie des quatres cloches qu'il sonnera de voilée ; laquelle, sonnerie né" durera qu'une heure pour les coups, pourveu que ce soit des communiants et les deux petites cloches pour les non communiants; il sonnera de mesme pour l'entrée des corps et pour la sortie.
«Cinquièmement. Lorsqu'il sera avertijque quelqu'un est à l'agonnie de la mort, il frapera indistinctement pour tous, tous les coups sur la principale cloche, pourveu que se soit poui des communiants et sur la petite clcche pour les non communiants.
Des sacrements
« Premièrement. Lorsque Monsieur le curé ou son vicaire sonneîont pour porter le saint Sacrement dans le bourg ou dans la paroisse, le sacristin sera prompt et quittera tout pour se rendre à l'église et apportera du feu.
« Secondement. Lorsque Monsieur le curé ou son vicaire seront averti pour aller porter le sacrement de l'Extrêmonction dans le bourg ou dans la paroisse, le sacristin se rendera aussi tost à la maison curiale, muny du rituel, de Festoie blanche et du rochet, dont le tout sera plié dans le petit sac qui est dans la sacristie.
« Troisièmement. Le sacristain s'instruira exactement des réponses pour ce qui regarde les sacrements, tant pour ce qui concerne les hommes que les femmes.
«Quatrièmement.Le sacristain doit s'appliquer àlirebien correctement et à ne point estropier des mots en chantant ou psalmodiant (11) les psaumes et les leçons pour les vigiles des morts.
«Cinquièmement.Il doit s'appliquer au chant pour les messes des morts et pour les sépultures et se régler sur ceux qui chantent mieux que luy. C'est pourquoy il doit faire à son loisir une estude toute particulière du processionnalle.
« Sixièmement. Lorsque Monsieur le curé ou son vica'ire sonnera l'appel peur un baptême, le sacristain se rendra aussitost sans se faire attendre et portera du feu.
Des services des morts
« Premièrement. Lorsque Monsieur le Curé ou son vicaire auront annoncé au pronne qu'il fera telles services, le sacristain aura attention de s'en souvenir et la veille qu'ils auront esté indiqué, il aura soin, après XAngélus, de sonner laprincipale cloche de voilée, qui sera le signial du service pour le lendemain. 11 sonnera de mesme le commancement du service et à la fin il clochera les deux principalles cloches par le son desquelles il fera connoistre que le service va commancer. A l'offertoire, il donnera la petite croix au prestre pour donner l'offrande (12).
« Secondement. Aux services sollennailles pour les messieurs et dames du bourg et de la paroisse et pour ceux qui se font le lendemain de saint Hillaire et pour le jour des Morts, il sonnera la veille après l'Angélus les quatres cloches de voilée et en fera de mesme le landemain au commencemant de chaque services et à la fin et mettra la représentation (13) sur le tombeau du deffunt avec 8 de flambeaux et autant au grand authel.
Obligations diverses
« Premièrement. Sera tenu ledit Dumas, sacristain, de blanchir les nappes des authels, d'en avoir soin, affin qu'elles ne se gastent point et de les mettre dans le grand armoire de la sacristie lorsqu'elles seront blanches, passées au bleu (14) et bien lissée (15),
«Secondement. Sera tenu le sacristain à ses dépans de graisser les courroix du battant des cloches, ainsi que leurs joux (16) et de les entretenir de cordes à ses frais et dépans et de les laisser en bon et deub estât lors de sa sortie.
«Troisièmement. Il avertira Monsieur le Curé lorsqu'il manquera d'encens ou que les cloches périront par le joux où elles sont attachées ou la charpante qui les soutient.
«" Quatrièmement. Il nettoyera aux quatres festes annuelles la lampe et les dix chandelliers du grand authel (17) et prandera garde de les faire casser et s'il arrive qu'il les cassent, il en sera tenu.
« Cinquièmement. Il aura soin d'allumer la lampe tous les jours de festes et dimanches pendant l'office divin (18) et aura soin d'aller chercher l'huile pour la lampe chez Monsieur le sindic fabricieri, lorsqu'il en faudra pour la lampe. Il fera égallement tous les cierges qui sont nécessaires pour l'église et les renouvellera aux quatres festes annuelles et fera tous les pains nécessaires pour la communion et ceux pour le saint sacrifice.
« Sixièmement. Il servira toutes les messes qui se diront dans l'église et lorsqu'il entendra l'appel, il apportera du feu et ira chercher le vin.
« Septièmement. A la feste du saint Sacrement, il fera un reposoir sous l'horme (19) du grand cymetière (20), afin d'y donner la bénédiction en faisant la procession du saint Sacrement et en fera de mesme dans l'église la veille du Jeudi saint. Il commencera la feste du saint Sacrement dès la veille, après qu'il aura sonné l'Angélus il carillonnera et en fera de mesme le lendemain matin et au premier coup de vespres.
« Huitièmement. Lorsqu'il y aura quelques processions à faire, il les annoncera par le son des cloches qu'il sonnera exprès de voilée.
« Neuvièmement. Tous les dimanches, il portera à la sacristie le pain pour y estre béni et ensuitte le distribuer après l'offertoire de la messe (21), premièrement aux ecclésiastiques s'il y en a, secondement aux seigneurs de la paroisse et ensuitte aux autres. A touttes les festes annuelles, il mettera les devants d'authels (22) avec les dentelles (23), aux petits authels il mettra les plus propres.
« Dixièmement. Toutes les veilles du troisième dimanche du mois, il carillonnera après les coups de VAngélus, aussi bien que le jour du troisième dimanche, après les coups de YAngélus du matin, ainsi qu'au premier coup de vespres, pour annoncer que le lendemain le saint Sacrement sera exposé (24). Il carillonnera aussi pendant les coups de l'Angélus. Lorsqu'il paroistera de l'orage ou du tonnaire, il se rendra à l'église et donnera l'appel, afin que les habitans du bourg viennent luy aider el ne lessera de sonner jusqu'à ce que l'orage soit passé. Comme estant le seul sacristain, il ne pourra s'absanter du bourg pour quelque prétexte que ce puisse estre, afin d'estre mieux à mesme de remplir ce qui luy est prescrit, c'est en se conformant au présant règlement qu'il percevra tous les émollumants accordés à sa charge et dans le cas qu'il y manque pour quelque points, il sera libre à la paroisse de l'expulser et luy retenir une partie de ses gages. Le sacriscrain sera continué ou remplacé tous les trois ans dans une assemblée de paroisse (25) que l'on tiendera à cet effet qui sera indiqué par Monsieur le Curé de la paroisse. Le sacristain entrera en charge à la Saint Martin (26), il en sortira à pareil jour et dans le cas qu'il prévarique, sera libre à la paroisse de devancer le temps pour l'expulser ; sera libre au sacristain de quitter et sortir de sa charge avant le temps de trois ans et ne pourra cependant pas le faire qu'au préalable il n'aye averti Monsieur le Curé et le sindic fabricien trois mois avant. la Saint Martin.
«De tout.quoy nous nostaires royaux avons dressé le présant procès verbal tant à la réquisition du. sieur Curé que du sindic fabricien que de tous les autres habitants du bourg et paroisse, tant signataires que non signataires. De tout quoy leur avons donné aide tant de la nomination que de l'acceptation pour leur servir et valoir ce que de raison.
« Fait, comme dit est, les jours, mois et an que dessus, après lecture faitte et ont une partie déclaré ne savoir signé et l'autre signé, de ce enquis suivant l'ordonnance.
« Signé en l'original des présantes Louis Dumas, sacristain ; Mathieu de. la Gorce, Curé de Brigueil le Chantre ; Maurat des Brosse, sindic fabricien; De la Coux de la Raulerie (i) ; De la Coux Grenon (2), Maurat, Maurat des Gasnes (3), Vigier de Cornette et son confraire nottaires royaux.
«Controllé à la Trimouille le vingt six octobre mil sept' cent soixante et neuf par Boistalles, qui a receu treise sols.
De Cornette nottaire royal.
«J'ai l'original.
« Délivré Iaprésante pour première grosse. Receu pour papier, façon, controllé et présante expédition sept livres quinze sols, cy . . . . . . . . . . 7 l. 15 s.
« Louis Dumas est sacristain en chef de la paroisse de Brigueil, mais il est infirme depuis douze ans. C'est son fils François Dumas qui exerce la sacristie à sa place au vu et au sçu de toute la paroisse. C'est d'ailleurs ce que je certifie être scincère et véritable.
A Brigueil le Chantre, le 14 mars 1785.
Mathieu de Lagorce, Curé de Brigueil le Chantre.
Notes
1. Maurat, vieille famille du pays.
2. La Brosse, hameau, Cne de Brigueil le Chantre
3. En Poitou, arentèle se dit de la toile d'araignée et arenieloir de la tête de loup.
4. Le lavabj s'attachait à la nappe de l'autel.
5. Clocher, tinter. On disait autrefois çlocheter et cloqueter.
6. Régulièrement, les vêpres ne peuvent se chanter avant deux heures.
7. Usage curieux, que je n'ai pas constaté ailleurs.
8. La première communion, en usage alors, était donc une des principales fêtes de la paroisse.
9. Le non communiant est celui qui n'a pas encore fait sa première communion.
10. On dirait actuellement les bourgeois, à qui l'on accorde les honneurs des quatre cloches.
11. Psalmodiant. La diphtonggue au correspond à la prononciation du Poitou.
12. Particularité à noter, car, généralement en France l'on faisait baiser la patène et non la croix à main.
13. Châssis, recouvert du drap mortuaire ; cet usage suppose la sépulture dans l'église.
14. Sage recommandation pour que le linge ne reste pas Jaune.
15. Lisser est une expression du midi : en Poitou, on dit repasser.
16. Joug, mouton de la cloche.
17. Ce fourbissage laisse entendre que les chandeliers et la lampe étaient en cuivre.
18. C'est bien peu que d'allumer la lampe du Saint-Sacrement seulement pendant le temps des offices.
19. Le reposoir est encore fait, à Brigueil, sous l'orme du cimetière. 20. Je rencontre souvent dans les titres paroissiaux la mention d'un double cimetière : un grand et un petit, le petit était spécialement affecté aux enfants.
21. Ce qui laisse entendre que la bénédiction du pain se faisait à la sacristie, avant la messe et non à l'offertoire, comme au rit parisien. Elle avait lieu tous les dimanches, ce qui s'observe encore dans nombre de communes rurales.
22. Le devant d'autel était un signe de grande fête.
23. La dentelle s'ajustait à la partie antérieure de la nappe.
24. Le troisième dimanche du mois on exposait le Saint-Sacrement ; dévotion récente alors.
26. On verra plus loin que cette formalité n'était pas exactement remplie et que le sacristain en fonction y restait pour un autre triennat tant qu'il n'avait pas été expressément révoqué.
27. 11 novembre.