R comme les Refeuille une famille de Lathus (86) en 1916-1917
(Ou comment une belle carte postale du début du XXème siècle du château du Cluzeau de Lathus et un texte charmant écrit par une enfant de 6-8 ans débouche sur la recherche et l’identification d’une « petite Lulu » énigmatique.)
Andrée Refeuille et la « petite Lulu » :
Les salons des collectionneurs permettent souvent de faire des découvertes fortes intéressantes. Ainsi au dernier salon de la Hune à St-Benoit, en début d’année 2018, dans les boîtes des exposants, se cachait une carte postale intitulée « LE CLUZEAU près Lathus (Vienne)-porte ogivale XIII° siècle », annotée d’un « Papeterie Fontenaille ». C’est la reprographie d’une photo d’une partie du château du Cluzeau, sis en la commune de Lathus non loin de la Gartempe, on y voit une tour ronde adossée à un bâtiment élevé, une porte d’entrée ogivale avec un perron constitué de trois marches perce cette tour, plusieurs ouvertures dont certaines ont été condamnées agrémentent les murs de la tour et du bâtiment. On peut remarquer un petit pigeonnier en bois fixé à mi-hauteur sur la façade du bâtiment principal. Devant le perron se tiennent un homme portant une casquette et en tenue de vélocipédiste avec des chaussures vernies, peut-être le propriétaire du château, un homme plus âgée portant un chapeau une chemise un gilet un pantalon et chaussé de sabots en bois très seyants, montrant du doigt la porte, ce doit être le métayer, plus une petite fille et un petit garçon de deux ou trois ans en costumes des dimanches. Aucun timbre ni aucune date ni sur l’endroit ni sur l’envers ne permettent de dater la photographie, heureusement une autre carte postale, représentant une vue plus globale du château avec les mêmes protagonistes, en particulier le cycliste s’appuyant sur son vélocypède, de la même maison Fontenaille, porte un timbre rouge taxé de 10 centimes et un cachet de la poste daté du 15-07-12 c’est-à-dire du 15 juillet 1912, la série de photographies date donc de 1912 ou un peu avant.
Le château du Cluzeau était celui d’une seigneurie portant le même nom dont le seigneur avait le droit de basse justice, dont l’influence s’étendait sur les hameaux voisins. Ainsi une enquête suite à une noyade dans un puits au hameau Chez-Tartault a été diligentée en 1681 par Maurice DESCHAMPS le juge du Cluzeau.
Au dos de la carte se trouve un texte, ne manquant ni de saveur ni de charme, envoyé par une écolière probablement du CE1 ou du CE2 à son institutrice : « cher demoiselle vous mesquseré si jé été si long a vous ècrire Jé fét bon voyage maman et tante été a la gare petite Lulu été bien contante de me voir en partant jé oublié de vous dire meci je vous re bocau * je voi plus gran chose a vous dire pour l’instant je finie ma carte en vous ambrassant tandrement insi que monsieur et madame POIRAULT votre élève Andrée REFEUILLE tout la famille vous anvoi leur meilleur amitier madame LACROIX vous anvoi un grand bonjour insi que monsieur ». L’enfant fait montre d’une bonne maitrise de la langue française, même si elle a pu faire une ou deux fautes d’orthographe, elle a dû être la fierté de l’enseignante, elle est le symbole de la réussite de l’école de Jules FERRY. On aurait aimé en savoir plus sur la « petite Lulu ». Sa mère ne sait pas écrire.
En cherchant dans les registres d’état civil de Lathus on trouve l’acte de naissance de cette petite Andrée REFEUILLE le 29-06-1909, elle est fille de Jules Adolphe REFEUILLE et de Rose BRIOT ses père et mère. Dans son acte de naissance en marge on trouve deux annotations. La première dit qu’elle est déclarée pupille de la nation par le tribunal civil de la Vienne le 30-11-1928, son père a du faire la guerre de 14-18 et en revenir grand invalide. La seconde indique que Andrée s’est mariée à Lathus le 21-07-1929 avec Lucien René DUPAIN. Ces renseignements permettent de préciser la date de rédaction de la carte postale, entre 1916 et 1917, la rédactrice devait avoir 6 à 7 ans.
Pour la « petite Lulu », son identification pose plus de problème, la lecture des registres d’état civil, des actes de naissance à Lathus ne donne rien de précis, aucune indication exploitable, pas de Lucie REFEUILLE ni de Lucie BRIOT dans les tables décennales. Heureusement on trouve sur certains sites de généalogie une certaine Lucienne REFEUILLE épouse RENE née en 1914. Il se trouve qu’Andrée a une sœur Renée Ernestine REFEUILLE née le 17-01-1914 à Lathus, les annotations en marge de son acte de naissance permettent de dire qu’elle est décédée à Ste-Maure le 02-05-1949 et qu’elle s’est mariée à Lathus avec Henri RENE le 19-07-1932. C’est elle la « petite Lulu », c’est elle qui se fait appelée Lucienne REFEUILLE pour induire en erreur les généalogistes opiniâtres du 3ème millénaire que nous sommes. Elle aussi est une pupille de la nation comme sa sœur. Comme souvent au début de 20ème siècle dans les familles on utilisait un prénom d’usage différent du prénom inscrit dans l’état civil, ce qui complique grandement l’identification quand on ne connait la personne que par son prénom usuel, ceux qui se sont lancés dans les « morts pour la France » en savent quelque chose, les inscriptions sur les monuments aux morts étant souvent faites avec ce prénom d’usage.
*Lire « je vous remercie beaucoup » (je vous re meci bocou)