Extraits du Portefeuille des Dames

Les artificiers amateurs

EVENEMENT Châtellerault, 10 ventôse an 8. La poudre à canon coûta la vie à celui à qui l'invention en est due. Combien de victimes ne pourrait-on pas compter parmi ceux qui ont voulu faire des essais sur une matière qui présente peut-être encore le problème à résoudre, de savoir si sa découverte a fait plus de bien que de mal à l'espèce humaine !

Le citoyen Bourgine le jeune, résidant dans la commune de Savigny, canton de Saint-Genest, vient d'en faire la funeste expérience ; une livre et demi de poudre de chasse qu'il soumettait à quelques préparations pour la perfectionner sans doute, a fait explosion sous ses mains. Tous ceux qui connaissent l'effet de l'expansion se persuaderont aisément quelle a dû en être la suite dans un appartement, sur cette quantité, quoique non comprimée.
Ce malheureux jeune homme et sa jeune épouse qui a partagé le même sort, ont été retirés des décombres tout mutilés, et les circonstances dont on accompagne cet accident font douter qu'ils y survivent.
Portefeuille des Dames, n° 17, du 20 ventôse an 8, page 2 du suppl. Extraits des Affiches du Poitou

La Quintaine

De Thouars, 21 décembre (1776) Résumé : Une coutume voulait que le jour de la Trinité, chaque meunier dépendant de la terre de ce qui n'était alors que le Vicomté de Thouars (avant son érection en Duché), aille au moulin du Vicomte. Ils donnaient chacun 4 deniers, et quatre d'entre eux allaient planter un piquet couronné de fleurs au milieu de la rivière. Un autre va à la nage arracher ce piquet, et les quatre premiers vont le chercher en bateau, et l'amènent auprès des officiels pour leur porter les fleurs, … et les sous.
Autre coutume pour le Mardi Gras : chaque nouveau marié dont la profession se rapporte au bâtiment ou à l'ameublement se rend avec une pelote ou une boule de bois à la « porte du Prévôt », et jette sa pelote où il veut (mare, maison). Tous les autres ouvriers courent récupérer cette boule, et celui qui la remet au lanceur a droit à une récompense.
ADP - n° 1 du 02/01/1777, p. 3

Eclipse de Soleil

De St-Maixant,, 11 Janvier
L'Eclipse de Soleil, annoncée pour le 9 de ce mois, a été très sensible ici, à 3 h. 45 min. de l'après midi : l'air étoit fort sérin, le vent à l'est, l'immersion s'est manifestée, les rayons du soleil eclipsé. On présume que l'Eclipse a été annulaire. Il sembloit qu'on distinguoit un anneau de lumiere répandu autour de la Lune. Dans l'instant de la conjonction des disques, on a aperçu un nuage de feu fort leger qui a couvert les deux globes pendant une minute. Les rayons du soleil ont ensuite commencé à darder du côté du couchant, la partie supérieure du soleil restant obombrée. Ce nuage de feu s'est ensuite métamorphosé en une espece de rideau brun, qui laissoit à peine apercevoir l'interposition de la lune sur la moitié du globe du soleil. A trois fois differentes le disque de cet astre n'a point répandu de rayons, & alors on croyoit voit le jeu d'un prisme, toutes les couleurs se manifestoient à la vue. A 4 heures precises, un nuage obscur a dérobé la suite de l'Eclipse, & à l'instant le vent est venu sud-ouest. Il y a eu pendant toute la nuit une espece d'ouragan, & le dégel a suivi. Il tombe depuis hier matin une petite pluie fine en forme de rosée ; le vent tient toujours au sud. Il en ariva autant lors de la fameuse Eclipse du 1 Avril 1764, que l'on ne put reconoître ici à cause d'un brouillard considérable. On a toujours remarqué qu'il venoit de la pluie à la suite des Eclipse de Soleil.
ADP - n° 5 du 30/01/1777, p. 19

Inhumations dans l'église

De Mirebeau, 12 Janvier
La Déclaration du Roi, du 10 mars 1776, concernant les inhumations, a commencé à être exécutée en cette ville, dès le mois de Septembre dernier, d'après la vigilence de M. le Procureur Fiscal, qui alors dans deux occasions notables déclara qu'il s'opposeroit à l'inhumation commune dans les Eglises ; de sorte que depuis ce temps, on observe généralement l'usage de n'enterrer les morts que dans les Cimetieres.
ADP - n° 5 du 30/01/1777, p. 19

Accident stupide

AVIS DIVERS Le Récit d'un accident arrivé par une imprudence, est toujours une leçon. Un Maréchal de cette ville, ayant trouvé parmi des morceaux de vieux fer qu'il avoit, un canon de pistolet qui étoit chargé, voulu le rompre pour le décharger ; il le plaça dans un étau, & chercha à le briser avec un marteau ; une étincelle enflamme la poudre, le coup part, & comme l'embouchure du canon étoit vis-à-vis le Maréchal, il reçoit deux balles qui lui traversent une cuisse ; la boure étoit restée dans les chairs, la blessure est très grave ; cet homme est l'Hôtel-Dieu.
Affiches du Poitou, n° 9, du 3 mars 1774, page 39
Commentaire : C'est pas malin !

L'hydropisie

MEDECINE
M. L. M. D. B. T. allant visiter il y a quelques jours ses domaines dans la paroisse de Charrais, à 5 lieues de cette ville, fut averti en passant dans le bourg, que la femme d'un pauvre journalier, nommé Blanchet, soufroit depuis trois mois d'une hydropisie considérable, qui étoit à la veille de l'étoufer ; l'enflure avoit gagné toutes les parties du corps, la respiration étoit très-pénible, l'impuissance de se mouvoir étoit devenue absolue, on avoit administré envain plusieurs remedes, la malad étoit abandonnée de tous les gens de l'Art, elle avoit même reçu les derniers secours spirituels. M. L. M. D. B. T. attiré par sa charité dans cette maison, espéra par les connoissaces qu'il a d'ailleurs dans la Médecine, de pouvoir soulager cette malheureuse femme ; quand il eut vu son état, il tire de sa poche une piece de six sols, la donne au mari de cette femme, & lui dit d'aller acheter de l'huile d'olive ; il ne s'en trouva point dans le bourg de Charrais ; on fut en hâte au bourg de Neuville ; la malade en but un plein gobelet ; un quart d'heure après, il lui sortit par la voie des urines, une quantité considérable d'eau rousse & sanguinolente ; l'enflure diminua à mesure de l'écoulement ; enfin la malade s'est trouvée rétablie en peu d'heures ; on l'avoit levée. Le premier effet de ce breuvage fut douloureux ; ce fut une véritable crise qui fit beaucoup soufrir la malade ; tous ceux qui l'entouroient, l'exhortoient à la patience & à l'espoir. Voilà une femme rappelée à la vie pour six sols ; elle périssoit si M. L. M. D. B. T. avoit, comme auroient peut être fait tant d'autres, dédaigné d'entrer chez elle, s'il n'avoit pas mis quelque intérêt à se procurer quelques connoissances dans la Médecine. On se rappele que les frictions d'huile d'olive ont été conseillées pour la même maladie. Cette expérience prouve que prise intérieurement, elle obtient le même succès, & nous sommes bien flatés de l'annoncer. L'Art va chercher si loin les secours qu'on atend de lui ! la nature prévoyante est plus simple, elle les place sous nos ieux ; il n'est question que de la consulter.
Affiches du Poitou, n° 1, du 4 janvier 1775, page 2 Commentaire : Qui est le personnage désigné par ses initiales ? Monsieur le Marquis de … … ?

L'Eau de Santé

CHIMIE
Un habitant du Poitou, que son goût porte à rechercher la propriété de différentes productions de la nature & à analyser les procédés de différens Arts, a examiné une Eau de Santé, venant d'Avignon & qui se 24 # la pinte. Il a trouvé que ce n'étoit que de l'eau où on avoit suspendu du mercure pendant l'ébullition, ou bien dans laquelle on avoit délayé du mercure gommeux. Il a conclu de differentes expériences qu'il a faites d'après ce soupçon, que si le mercure est bon contre les vers, l'eau ou on auro suspendu un nouet pendant l'ébullition, peut reprendre son ancien crédit. Elle s'en charge beaucoup, & avec le microscope on voit facilement les petites goutes dont cette eau est toute chargée malgré la différence de la gravité spécifique de ces deux liqueurs. L'eau de pourpier, réputée vermifuge, en est aussi, naturellement imprégnée. Le même curieux a examiné d'autres plantes grasses, comme les Joubarbes, il y a trouvé également du mercure très-brillant.
Affiches du Poitou, n° 1, du 4 janvier 1775, page 3